CAN TotalEnergies Cameroun 2021 : Le coup du maître, plus qu’un coup d’éssai
La cérémonie de clôture très high-tech et toute l’organisation autour de la finale laissent cependant un goût de cendre ; les Camerounais ayant démontré sur tous les plans qu’ils ont beaucoup de potentiel, mais aussi que le patriotisme est une notion évasive, même lorsqu’il servirait à la promotion d’un pays unique en Afrique.
Par le Dr Colonel à la retraite, Didier BADJECK, Politiste et Géostratège
Un challenge au-delà du Cameroun
Simultanément, cette compétition interpellait la CAF sur sa capacité à organiser une compétition continentale à 24 équipes, dans les standards internationaux, intégrant les capacités d’accueil, de sécurité dans un contexte crisogène non négligeable, de transport, d’organisation sportive à risque moindres, sur des aires de jeu plus qu’acceptables. Seuls points noirs sur le bilan de l’organisation, un accessit moyen mais sans réel catastrophisme sur l’état de la seule pelouse du stade de Japoma, ajouté peut-être à un arbitrage quelques rares fois, insuffisant, et naturellement à l’incident d’Olembé. Au niveau global, l’organisation a été objectivement à un niveau très honorable, relativement aux délicats marqueurs qui auraient pu entacher le déroulement serein de la compétition. La sécurité des zones crisogènes du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord a été maîtrisée durant toute la compétition, malgré l’activisme promis.
Il est important d’avoir un regard critique sur le plan de l’organisation, qui aurait vicié à coup sûr les autres dividendes perçus comme complémentaires, d’un rendez-vous de la jeunesse africaine. Mais au-delà de ces objectifs sportifs atteints, dont le Cameroun aux côtés de la CAF s’en trouvent honorés, bien d’autres retombées positives sont à relever. L’on évoque notamment les plans géopolitique, géostratégique, économique et financier, voire culturel et sportif, tout comme il serait important de mesurer l’impact que cette compétition aurait apporté à l’image du Cameroun. Il va de la nécessité de cultiver une approche de gain et d’amélioration de ces retombées, en stigmatisant cette manie bien récurrente pour les organisations, à regarder le retour d’expérience en chien de faïence, au lieu d’en tirer les meilleurs enseignements. En tout état de cause, le Cameroun risque d’être sollicité incessamment, pour l’organisation d’autres compétitions et pas qu’africaines de football, fort du plateau infrastructurel et du « capital confiance » engrangé avec cette magnifique CAN.
Le rayonnement géostratégique du Cameroun a pris de la valeur au niveau de la bourse sécuritaire
Le départ des dernières délégations et des officiels ayant pris part à ce grand rendez-vous sportif du sol camerounais, a démenti honteusement les pronostics alarmistes qui faisaient état d’une situation sécuritaire non maîtrisée par le Cameroun, dont les forces de défense sont impliquées sur plusieurs fronts. Les défis étaient en effet plus importants que les enjeux pour une fois, car chacun d’eux pouvait remettre en question la suite de la compétition même de manière inversement proportionnelle aux investissements consentis, allant jusqu’à l’arrêt d’une compétition de cette envergure. Ceci serait arrivé par exemple si un incident majeur avait frappé une délégation avec un bilan létal. Le même défi sécuritaire a été mis à l’épreuve au stade d’Olembé avec un bilan lourd, toute chose qui a créé une onde de choc. Dans le cas d’espèce, le défi a pu être surmonté par la solidification de l’enjeu. L’analyse géostratégique permet ici de comprendre comment dans un même écosystème, deux défis comparables peuvent arriver sur des positions factuelles totalement différentes. Les enjeux stratégiques se sont très vite mutés en une connotation géostratégique sous régionale et régionale, quant aux réponses que notre continent, et en particulier le Cameroun, pouvait apporter à la lutte contre le terrorisme, avec des moyens endogènes. La sécurisation de milliers de personnes suivant la CAN TotalEnergies 2021 dans les stades et sous la menace terroriste, fut un grand challenge remporté par le Cameroun. Toute chose qui a produit un effet similaire sur le plan géopolitique régional et national. Au niveau régional, l’Afrique a grandi et doit de plus en plus être maître de son destin. Indubitablement, la géopolitique va de pair avec le sport, valorisée par l’intérêt croissant que le diptyque de la géopolitique du football peut entraîner. Elle est la porte d’entrée de la solidification de l’architecture du football-business, qui jette les jalons du développement du sport-roi en Afrique. La problématique a souvent été soulevée par l’incapacité pour le continent de trouver des dirigeants à la hauteur des enjeux et défis que génère la gestion moderne du football. L’élection de deux mécènes successivement à la tête de la CAF et de la FECAFOOT à l’instar du Sud-Africain Patrice Motsepe et Samuel Eto’o, offre une nouvelle ère managériale au football africain, dont il serait souhaitable que le vent du changement souffle sur toutes les instances faitières en difficulté.
La corrélation de l’image et du retour d’investissement : entre rayonnement et intrusions antipatriotiques.
Le retour de manivelle d’un tel évènement, organisé à coup d’investissements colossaux, s’évalue judicieusement autour de l’augmentation du taux de croissance, compte tenu des effets d’engrenage positifs qui communiquent dans le domaine du marketing, des affaires, de la haute finance, appelant les investissements lorsque l’image sait se vendre. Ces acquis peuvent également ne pas être productifs, si les stratégies de communication n’ont pas été adéquates ou pensées, dans la prospective de dividendes clairement identifiés. Cela participe d’une coordination en amont du gouvernement, qui propose les différentes interfaces multisectorielles susceptibles de capter tout investissement. Le concept a été de situer le Cameroun sur une orbite planétaire dénuée d’encombrements inappropriés, surtout lorsqu’ils émanent de nationaux aux ambitions politiques sans discernement de l’intérêt de la patrie. Une incongruité idéologique dirions-nous, mais plus, une posture dissonante dans une période où tout un peuple devrait être à l’unisson, où toute victoire serait celle du Cameroun tout court. Sur le plan économique, les retombées sont déjà plus évidentes pour les commerces informels qui ont vu leurs chiffres d’affaires augmenter significativement. L’État quant à lui a investi et va récolter un capital inestimable, celui d’une nation plongée dans une conjoncture économique et sécuritaire délicate, mais qui a su faire face. Cette résilience est une perspective heureuse qui crée un tropisme vers le Cameroun, pays qui a rehaussé son autonomie stratégique, avec en prime la sauvegarde jalouse de sa souveraineté. Les autres sons de cloche ne sont qu’un tintamarre exécuté par de mauvais musiciens. Toutefois, les infimes scandales qui ont émaillé cette compétition ne doivent pas être abandonnés dans les pertes et profits, mais solutionnés à chaque niveau de compétence, tout comme le retour d’expérience, qui est d’ailleurs une boussole à suivre si l’on voudrait côtoyer la perfection. Bravo au pays des Lions indomptables !!!