Interview : Organisation de la CAN 2025 – Ciel bleu dans le Royaume

Après 1988, le Maroc se prépare à accueillir à nouveau la CAN. Le rendez-vous de 2025 est maintenu cette fois en hiver et pas en été comme dans ses premiers plans. L’officialisation de ce léger glissement de quelques mois par la CAF est interpellatrice à plusieurs sens. Dans la mesure où le pays doit abriter une succession de compétitions internationales jusqu’à la plus prisée de toutes, la Coupe du monde en 2030 avec l’Espagne et le Portugal. Côté marocain, l’heure n’est guère au catastrophisme, comme le confirme Reda Laraïchi, expert marocain en économie du sport africain.

Plus de temps pour finaliser, améliorer et tester les diverses infrastructures

Reda Laraïchi, expert en économie du sport africain

Après de longues années de préparation et de sacrifices consentis par le Maroc, la CAN 2025 vient d’être reportée. Quels pourraient être selon vous, les différents impacts sur le pays, son économie, son tourisme, sa fierté… ?

Le report de cette CAN a certes été une grande surprise pour la grande majorité des Marocains (résidents au Maroc ou à l’étranger) et de la diaspora africaine résidente en Europe qui se faisait une grande joie de venir assister à cette compétition et d’en profiter pour organiser ses vacances estivales (escale au Maroc avant un départ en Afrique subsaharienne). La FRMF a pris acte de cette décision de la CAF qui reste souveraine en termes de choix des dates de cette compétition. La période choisie pour la CAN 2025 tombera tout de même, en partie, pendant les vacances de fin d’année, ce qui permettra aux spectateurs (Marocains ou non) de venir au Maroc et de profiter de cette fête africaine. 

Le Maroc reçoit moins de touristes en hiver qu’en été. Cette compétition permettra ainsi de doper nos chiffres touristiques et les recettes en devises pendant cette période. Quel que soit la période choisie, le Maroc restera toujours fier d’accueillir ses sœurs et frères africains. Sans oublier que cette compétition attire également des spectateurs non Africains. Lors de la dernière CAN en Côte d’Ivoire, plusieurs fans américains, asiatiques et européens ont été subjugués par le côté festif de cet événement et souhaiteraient certainement revivre cette expérience. Sans oublier les touristes réguliers qui seront déjà sur place et se déplaceront pour assister à quelques matchs. 

Enfin, accueillir un événement majeur en hiver peut donner au Maroc une visibilité médiatique mondiale pendant une période où il y a moins de concurrence d’autres événements sportifs internationaux. Cela peut renforcer l’image du Maroc comme une destination touristique attrayante tout au long de l’année.

À votre avis, ce report entraînerait-il une quelconque démotivation et une organisation au rabais par le Maroc le moment venu ?

Il est important de noter que, pour toute compétition, il existe un cahier de charges à respecter. Nos stades actuels respectent déjà les normes CAF depuis de nombreuses années et nous avons même décidé de les rénover en vue des différentes échéances sportives à venir. En effet, il ne faut pas oublier que le Maroc accueillera, en plus de la CAN 2025, plusieurs autres compétitions internationales après cette CAN : CAN féminine en 2025, Coupes du monde féminines U17 pendant 4 ans à partir de 2025, et enfin la grande messe du football mondial avec la Coupe du monde en 2030. 

Le Maroc avait donc déjà lancé plusieurs chantiers en parallèle pour la modernisation de ses infrastructures et respectera certainement tous les délais liés au vu des cahiers de charges draconiens de la FIFA. Ainsi, ce report permettra au Maroc d’avoir plus de temps pour finaliser, améliorer et tester les diverses infrastructures dédiées à cette compétition (que ce soit sur le volet sportif, logistique, touristique, hospitalier…). 

Par rapport à la nouvelle date et aux conditions climatiques que l’on annonce extrêmes pour plus de 90 % des Africains qui ne connaissent par exemple pas le froid, croyez-vous toujours à une CAN réussie au Maroc en 2025-2026, après la première de 1988 ?

Il est évident qu’une CAN organisée en plein été aurait été plus bénéfique en termes d’affluence et de chaleur, mais organiser une Coupe d’Afrique en hiver a également ses avantages en termes de fluidité des transports pendant une période moins fréquentée et de climat plus doux. En effet, le climat marocain en été peut être extrêmement chaud, rendant les conditions de jeu difficiles pour les joueurs et inconfortables pour les spectateurs. En hiver, les températures sont plus modérées, ce qui peut améliorer l’expérience globale et attirer au final plus de visiteurs. De plus, du fait que la compétition se passe en hiver, certains touristes se rendront compte qu’ils pourraient même venir skier à l’Oukaimeden et moins d’une heure après pouvoir se baigner à Marrakech. 

Sans oublier que la majorité des joueurs participant à cette Coupe d’Afrique jouent en Europe et sont donc habitués à des températures plus fraîches. Ils seront donc certainement moins dérangés par ce facteur climatique, ce qui pourrait améliorer leurs performances et réduire également les différentes blessures et risques liés à la chaleur.

De façon égoïste, qu’est-ce que cette CAN aura de si particulier pour les Marocains et son industrie du sport ?

Nous savons tous qu’organiser une CAN donne un avantage considérable au pays hôte en termes de supporters. 9 pays hôtes ont déjà gagné cette CAN et espérons que le Maroc sera le 10e pays hôte à la remporter. Elle permettra aussi de confirmer à l’échelle mondiale la qualité de notre accueil, notre riche culture et histoire, des patrimoines inscrits à l’UNESCO, notre restauration unique (du street food au raffiné), l’amabilité du peuple marocain… 

L’organisation de cette CAN sera aussi un très bon exercice pour préparer les différents acteurs privés et publics marocains aux futurs événements sportifs que le Maroc accueillera (CAN féminine, les coupes du monde U17 féminines et la Coupe du monde 2030). En effet, l’industrie du sport sera forcément impactée par cette CAN, de par la qualité des infrastructures qui seront développées et qui permettront notamment une meilleure exploitation des stades et fan expérience. 

Les acteurs de l’industrie du sport devront se mettre au niveau des exigences CAF et FIFA s’ils souhaitent participer aux différents marchés qui seront lancés pour l’organisation des compétitions par ces 2 institutions. Plusieurs opportunités en marge de l’organisation de ces événements pourront être activées, que ce soit sur le volet événementiel (Fanzones, concerts, tournois de football, …), sportif (détection de talents pour les recruteurs qui viendraient au Maroc, stages sportifs, …), tech (applications sportives, sites e-commerce, sites de réservations, covoiturage, …), merchandising, …

Si vous aviez un message en direction du Monde à propos de cette compétition, que diriez-vous exactement pour convaincre les uns et les autres à venir à la fête ?

Ça sera une fête pour les 5 sens : l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher et la vue.

La vue : tout d’abord le spectacle au sein du stade avec de belles performances sportives et une fan experience unique grâce aux stades 2.0. Sur le volet Découverte du Maroc, les supporters verront un mélange entre traditions et modernité avec des paysages à couper le souffle, une architecture et des couleurs uniques dans les médinas et souks, et enfin des infrastructures 2.0.

L’ouïe : les fans marocains font partie des meilleurs fans au monde de par leurs chants, tiffos, animations et engouement. Sur le volet culturel, les spectateurs pourront également découvrir notre musique traditionnelle avec les chants berbères, la musique andalouse et les gnawas, le son des souks et de notre riche nature (montagne, désert et mer) …

L’odorat : épices et herbes, l’arôme des tajines et des pâtisseries, les senteurs des jardins, des roses et des agrumes…

Le goût : tajine, couscous, pastillas, grillades aux épices marocaines, street food marocaine, la soupe harira, douceurs marocaines telles que les cornes de gazelle…

Le toucher : l’artisanat marocain (tapis, poteries, tissus…), les hammams traditionnels à base de produits naturels comme l’huile d’argan, la nature diversifiée avec les différentes expériences possibles (activités nautiques, de ski, trekking, désert…).

À travers cette belle compétition continentale, le Maroc vous offrira donc une immersion totale dans une culture riche et diversifiée, stimulant tous vos sens et vous laissant des souvenirs inoubliables.