Interview : Report de la CAN 2025 – Les répercussions économiques

Initialement programmée durant l’été, la CAN TotalEnergies Maroc 2025 est renvoyée en hiver. Un énième glissement ces dernières années, non sans regard sur la motivation de certains partenaires à ce grand évènement. L’expert en communication, marketing et économie du sport, Vincent Chaudel, apporte des éclairages.

La CAN en janvier-février est idéale pour un diffuseur

Vincent Chaudel, consultant en communication, marketing & économie du sport

CAN Maroc 2025 reportée à l’avantage de la Coupe du Monde des clubs FIFA. Un énième report d’un évènement sur le continent. Votre lecture ?

Paradoxalement, cette décision de report de la CAN, de juin-Juillet pour la ramener en décembre-janvier est une illustration non pas d’un mépris du football africain, mais d’un conflit entre la FIFA et l’UEFA puisque les principaux talents africains jouent en Europe et que les clubs européens en ont marre de voir cette CAN se placer en janvier-février. Une période importante pour les clubs qui sont les premiers employeurs des joueurs et donc, eux la souhaitaient plutôt en juin-juillet comme pour l’Euro ou la Copa America, au détriment même des joueurs voir des équipes nationales, parce que la compétition est un peu un cran inférieur quand les joueurs arrivent en fin de saison épuisés et surtout par des fortes chaleurs. En revanche, ça pointe du doigt sur un sujet de gouvernance, parce que la CAF a quand même posé cette Can au départ en juin-juillet qui est intenable et a été modifiée.

Que peut-on faire selon vous pour éviter ces tableaux embarrassants ?

Tout d’abord en prenant en considération le calendrier international, encore une fois, on avait connaissance de la volonté de la FIFA d’organiser cette Coupe du monde des Clubs à l’été 2025 avant même que la décision soit prise d’attribuer la CAN 2025 au Maroc. Donc, la première chose c’est d’éviter de juger. C’est de prendre en considération le calendrier mondial qui est au-dessus du calendrier continental. Maintenant, le sujet qui est embarrassant c’est le rapport de force entre les clubs et les confédérations ou les fédérations. Et ça, il faudra aller tôt ou tard vers un calendrier mieux harmonisé. Je pense au calendrier du rugby de l’hémisphère sud par exemple qui détermine une période pour les compétitions nationales, puis une compétition continentale des clubs et finir par des compétitions des équipes nationales. Il faudra tôt ou tard que la FIFA et les confédérations comme la CAF et l’UEFA s’organisent par rapport à ça. Il y a trop de compétitions internationales qui viennent entre-couper les championnats domestiques. C’est ça qui crée des tensions. Il faudrait probablement réduire d’au moins d’une fenêtre de période internationale, pour qu’elle soit peut-être plus allongée. Ce qui permettra aux sélectionneurs de travailler mieux avec ses joueurs, de mélanger les joueurs qui évoluent localement avec ceux qui reviennent des championnats étrangers. C’est peut-être cette dimension qu’il faut travailler. Sur le coup, la CAF ne peut pas faire toute seule.

 Jusqu’où ces reports peuvent-ils impacter les engagements des acteurs dans les proses d’initiatives en faveur d’une meilleure organisation ?

Le problème de ce genre de report est que c’est compliqué à la fois de gérer les infrastructures. Quand on est sur un pays hôte qui n’a pas besoin de construire de nouveaux stades, ça ne change pas grand-chose, mais quand on est sur les sujets d’infrastructure comme on a pu le voir notamment au Gabon, en Côte d’Ivoire ou encore au Cameroun, oui c’est un problème. Parce qu’on est sur des reports plutôt que sur une date avancée. En général ce problème de dates qui ne sont pas toujours respectées, qui bougent au dernier moment ou assez tôt pose un problème réel pour les sponsors et pour les diffuseurs. Si on veut à un moment donné développer l’industrie africaine du sport, il faudra apporter plus de stabilité et plus de lisibilité à chacun des décideurs.

Quels pourraient être les impacts sur les droits media par exemple, et sur les engagements de la CAF avec ses partenaires ??

Pour ce qui est de l’impact économique et notamment par rapport aux diffuseurs, paradoxalement la meilleure fenêtre de tir pour la CAN c’est bien janvier-février. Tout simplement par ce qu’il n’y a pas de compétition faste. Prenons l’exemple de ce qui se passe actuellement, si on garde à l’esprit que ce sont les pays européens qui financent grandement le football international, ou bien que ce soit plutôt les médias américains qui financent les Jeux Olympiques, et bien faisons le constat qu’au même moment où se joue l’Euro en Allemagne, il y a aussi la Copa America. Mais la Copa America, elle est quasiment invisible pour les fans de football européens. Et, surtout les diffuseurs européens ne peuvent pas mettre beaucoup d’argent dessus, puisqu’ils en ont déjà mis sur l’Euro. Une CAN en janvier c’est plutôt une période assez calme pour les diffuseurs. Si c’est bon pour les diffuseurs, c’est économiquement viable pour le football africain.

Comment fidéliser les sponsors avec une telle atmosphère ?

La fidélisation des sponsors majeurs passe d’abord par la robustesse de l’organisation à savoir tenir ses engagements, livrer ce qui est attendu. En plus, si les sponsors peuvent développer leurs propres business parce qu’il y a des bases de données, que l’on peut mettre en contact le sponsor avec les supporters, alors il sera content de son investissement et il reviendra. Donc, le vrai sujet au-delà de l’aspect fiabilité, c’est de réussir à activer une vraie relation entre le sponsor et le public.